Liban : Tenir bon malgré les difficultés

LIBAN Le conflit qui a éclaté entre Israël et le Hamas en octobre 2023 met à dure épreuve le moral de l’équipe de l’ONG Tahaddi à Beyrouth. Notre envoyée Catherine Mourtada, directrice des programmes éducatifs de Tahaddi, nous en parle.

Catherine, peux-tu me donner un aperçu de la situation humanitaire au Liban depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas en octobre 2023 ? Comment cette situation a-t-elle évolué ?
Le Liban continue de faire face à une série de défis : la hausse des prix, la faiblesse des revenus et la diminution des services sociaux plongent les familles dans une plus grande vulnérabilité. Pour joindre les deux bouts, beaucoup réduisent leur consommation alimentaire, ont recours au travail des enfants, à l’endettement et au mariage précoce. Lorsque les affrontements ont éclaté à Gaza, en Palestine et au sud Liban, l’insécurité a encore affaibli l’activité économique ; un rapport du PNUD datant de décembre 2023 prévient que la crise de Gaza entraînera une nouvelle contraction de l’économie et compromettra les chances d’une reprise économique espérée.  La violence persistante et les frappes sur les villages qui se trouvent près de la frontière sud du Liban ont déjà conduit plus de 75 000 habitants à quitter la région, certains s’installant chez de la famille.

Comment ces instabilités affectent-elles le travail de Tahaddi à Beyrouth et la communauté locale ?
Au niveau de Tahaddi, le moral de l’équipe est affecté et nous avons dû faire un temps de réunion mené par la psychologue au mois d’octobre, afin d’évacuer le stress. La fête de Noël a été un mélange entre la célébration de la naissance de Celui qui est le Prince de la paix et la dénonciation des injustices, des horreurs subies, les blessures, la mort, les privations… L’une des saynètes racontait la venue des rois mages et le désir d’Hérode de tuer tous les enfants en dessous de deux ans, nous avons créé une suite ou les enfants ont exprimé leur dégout des guerres et demandé aux adultes qu’ils cessent leur folie meurtrière.

Comment prenez-vous en charge les réfugiés palestiniens qui arrivent dans la région ?
Les Palestiniens sont enfermés derrière des murs dans leur propre pays et ne peuvent pas chercher refuge dans d’autres pays. Les habitants de Gaza sont bloqués dans cette enclave, qui a été nommée la plus grande prison du monde à ciel ouvert. Ils sont dans l’impossibilité d’en sortir. Ils sont bombardés et tués sans pouvoir se déplacer et trouver refuge dans une autre partie de la Palestine ou même dans un autre pays.

Quels défis spécifiques cette situation demande-t-elle de surmonter ? Et comment ?
C’est d’abord une situation émotionnellement très difficile à supporter et nous sommes tous affectés par ce qui se passe d’autant plus que trois membres du personnel sont Palestiniens. De plus, la peur que le conflit déborde et qu’une guerre commence au Liban est dans tous les esprits.

Le nombre d’enfants et de jeunes accueillis à Tahaddi a-t-il augmenté ? Comment faites-vous pour répondre aux besoins (scolarisation, soutien psychosocial) qui se présentent ?
Non, car nous fonctionnons au maximum de notre capacité et avons commencé à répondre aux besoins grandissants d’éducation pour les enfants – en particulier les enfants déplacés de Syrie – depuis 3 ans déjà. Tahaddi a trouvé des solutions au manque de place et à la demande grandissante d’enfants âgé parfois de 12 ou 13 ans qui ne veulent pas rester analphabètes même s’ils doivent travailler pour aider leur famille. Tahaddi a créé des classes de deux heures d’étude par jour dans les maisons de jeunes femmes qui sont coachées chaque semaine par notre personnel pour donner des cours d’arabe et de mathématiques. Ce programme accueille plus de 100 enfants en groupes de 8 à 10 par maison.

Qu’est-ce que Tahaddi a mis particulièrement en place pour gérer cette situation de conflit qui impacte la région ?
Les enfants du sud étudient en ligne, avec les difficultés que cela implique, ou ont été réintégrés dans d’autres écoles publiques, ou sont à la maison. Très peu de familles sont venues dans notre région, sauf pour demander un soutien médical dans le cas de maladies chroniques.

Quels sont actuellement les besoins de Tahaddi (toutes thématiques confondues) ?
En matière d’éducation ; engager au moins un éducateur de plus pour permettre aux élèves d’avoir plus de temps d’école. Sur le plan médical ; disposer de fonds plus importants pour aider les personnes qui ont besoin d’hospitalisation, d’une opération, de médicaments et de traitements anti-cancer. Et sur le plan social ; des fonds plus importants pour aider les familles libanaises, en particulier, à réparer leurs maisons. Ces maisons mal construites s’effondrent.

As-tu des sujets de reconnaissance malgré la situation tendue ? Lesquels ?
Le personnel de Tahaddi de différents horizons religieux est fidèle au poste et les membres de l’équipe donnent leur temps aux enfants et aux familles généreusement malgré des problèmes sécuritaires, la peur d’une guerre, les soucis financiers.

Aurais-tu un témoignage à nous raconter et pour laquelle tu t’es sentie reconnaissante, malgré le contexte difficile ?
L’espace bibliothèque n’avait pas de mobilier ni assez d’espaces de rangement et les livres étaient tristement rangés dans des cartons alors que le besoin d’exposer à la lecture la population très pauvre avec laquelle nous travaillons est primordial. Une organisation, au travers d’une commande de livres à un éditeur local, a fourni gratuitement 10 tables, 20 chaises et 10 bibliothèques de rangement ainsi que 200 livres en arabe et en anglais !

Une organisation tchèque ,« Diaconia », consacre  sa collecte de Carême, cette année, à Tahaddi et nous a demandé de communiquer des besoins concrets à partager dans certaines églises en Tchéquie.

Personnellement, comment est-ce pour toi de garder le cap ? Comment te ressources-tu ?
L’acquisition d’un appartement pour ma fille Nayla, en pleine crise de Ghaza et à un bon prix, sans trop de problèmes, a été un petit miracle. Elle se sent mieux dans cet appartement au rez-de-chaussée avec un jardin où elle peut laisser ses chiens s’ébattre librement.

Sinon, je garde le cap, le cœur lourd de voir tant de mauvaise foi, d’aveuglement et de cynisme. Je me garde informée et le partage de vidéos sur les réseaux sociaux est mon acte de résistance devant tant d’atrocités commise en Palestine occupée et à Gaza ainsi qu’au sud Liban.

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