En 2023, le Centre pour le Développement et la Coopération NADEL, à Zürich, a édité une brochure intitulée »Words Matter » ( »Les mots comptent »). Ce document résume plusieurs travaux sur la décolonisation et la lutte contre le racisme. Son but est de rendre les gens attentifs à ce sujet sensible.
Dans le domaine de la coopération internationale, le langage utilisé peut être problématique, car sa majeure partie est issu de la période coloniale. Ainsi, il peut malheureusement conduire à renforcer les inégalités que nous tentons justement de combattre.
Les mots peuvent abattre ou renforcer des barrières, encourager, ou au contraire, rabaisser, détruire. Le choix des mots a un profond impact sur la dignité, le respect, l’estime de soi, et les responsabilités des acteurs du développement.
Ainsi, parler de « pays développés » et « sous-développés » perpétue l’idée d’une supériorité et d’une infériorité sur le plan économique. Or, tous les pays sont développés dans certains domaines et moins dans d’autres. Parler de « bénéficiaires » et de « destinataires » sous-entend l’existence d’une dynamique de pouvoir entre les donateurs, qui ont la capacité de pourvoir aux besoins et ceux qui reçoivent, passivement. Tout comme parler de »transfert de compétences » ou de »renforcement des capacités » peut perpétuer l’idée qu’il y a d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas.
Le « groupe cible » comporte quant à lui une approche déshumanisante. N’oublions pas que nous parlons d’individus, enfants, familles, à part entière. La pauvreté étant multidimensionnelle, utiliser le mot « pauvres » peut également porter à confusion. Nous pouvons en effet être d’une grande richesse matérielle mais souffrir dans le même temps d’une profonde pauvreté relationnelle. Enfin, « aider » ou « sauver » sont quant à eux des mots susceptibles de renforcer le sentiment d’être un « sauveur » vis-à-vis de bénéficiaires qui sont, eux, à secourir.
Au sein du SME, nous souhaitons rejoindre notre prochain dans sa situation, être en relation, l’accompagner dans ses projets, et être un instrument d’espérance qui permet d’entrevoir un avenir meilleur, à tous égards. Nous voulons le faire avec un coeur sensible, un regard bienveillant, mais aussi un langage qui amène la vie, qui construit et édifie… et avec des actions alignées à cet état d’esprit.
« La mort et la vie sont au pouvoir de la langue », La Bible, livre des Proverbes 18,21
Philippe Bury, en éditorial du NEWS 1/24